INTERVIEW - Marie-José Pérec : "Je me suis libérée"

A peine descendue d’un vol avec la patrouille de France, la triple médaillée d’or se confie à Denis Brogniart, qui la connaît et la suit depuis plus de trente ans. Echange sans filtre avec la femme, la championne, la maman, avec comme dénominateur commun : la passion.
À propos de
Marie-José Pérec est une femme heureuse et épanouie qui croque dans la vie avec délectation et, le plus souvent, dans un grand éclat de rire communicatif. La triple championne olympique s’est métamorphosée, elle qui était très pudique durant sa carrière, d’une grande timidité, complexée et toujours méfiante. A 56 ans, elle est sereine comme elle ne l’a jamais été en tant qu’athlète, elle se considère comme une ambassadrice libre des Jeux de Paris et espère que son parcours et son destin pourront inspirer ceux qui seront en piste pendant quinze jours.
GALA : C’est fou Marie-Jo car, depuis quelque temps, je ne reconnais plus la femme très réservée que tu étais en public…
MARIE-JOSÉ PÉREC : C’est vrai, je me suis libérée ! Désormais, je vais vers les gens, j‘apprécie d’échanger sur mon histoire. J’ai décidé de ne plus me fixer de limites. Avant – et tu t’en souviens quand tu m’interviewais [rires] – c’était un supplice pour moi de parler, de m’ouvrir aux autres. Et je veux te dire que je suis impressionnée de voir combien les gens se souviennent de mes titres, ça fait chaud au coeur. Je me nourris de la gentillesse et de l’admiration de ceux qui m’abordent quotidiennement.
GALA : Dans le documentaire Marie-Jo, que Canal+ te consacre, tu dis, à propos de tes débuts à 16 ans en Guadeloupe, que la course t’a permis de trouver une utilité à ce corps moche. C’est dur comme réflexion pour la jeune femme que tu étais…
M.-J. P. : Mais c’était la vérité ! J’étais grande, 1,80 mètre, et très maigre. Tout le monde se moquait de moi, on m’appelait « la canne à sucre », « la grande gigue » ou « la planche ». J’étais si mal dans mon corps, horriblement complexée, et ça a duré longtemps. Je m’infligeais des séances de musculation et d’abdominaux pour tenter de sculpter mon corps, sans réussite. A cette époque de l’adolescence, je ne voulais même pas danser, je me suis beaucoup renfermée sur moi-même.
GALA : Et pourtant, c’est aussi le moment où, grâce à ta prof de sport, tu découvres ton don incroyable pour la vitesse. Tu deviens en quelques mois l’une des meilleures jeunes sprinteuses françaises…
M.-J. P. : Avant ce test sur 60 mètres, je me cachais en cours de gym, je ne faisais jamais de sport et, d’un seul coup, tout est allé très vite. J’ai pulvérisé les meilleurs chronos de l’école. On m’a inscrite dans un club d’athlétisme et j’ai disputé mes premières compétitions, avant de quitter ma Guadeloupe natale pour aller m’entraîner en métropole.
GALA : Il y a quelques semaines, tu es retournée chez toi en Guadeloupe, tu as traversé l’Atlantique à la voile à bord du trimaran Maxi Banque-Populaire d’Armel Le Cléac’h pour apporter la flamme olympique aux Antilles. C’était une expérience incroyable…
M.-J. P. : J’ai adoré cette transatlantique, je n’ai jamais eu le mal de mer et, moi qui appréhendais la promiscuité et les conditions de vie spartiates, je me suis très bien adaptée. Et ce qui est drôle, c’est qu’au départ, ils avaient prévu de m’embarquer juste sur la fin, entre la Martinique et la Guadeloupe. Mais moi, je leur ai demandé de faire toute la traversée et ils ont accepté ! C’est dingue mais, en quelques jours, en vivant 24 heures sur 24 à sept les uns sur les autres, avec notamment Marine Lorphelin et Alexis Michalik, un peu comme les aventuriers de Koh-Lanta, on a tissé des liens d’amitié incroyables.
GALA : Et à l’arrivée, vous avez été accueillie sur le quai par ta mamie de 101 ans…
M.-J. P. : J’ai malheureusement perdu mes parents, et ma mamie voulait être là pour représenter la famille. Elle est encore dans une forme étonnante, elle qui a coupé des cannes à sucre toute sa vie. Et rendez-vous compte, mon grand-père est lui aussi encore en vie, il a 103 ans. Quelle émotion d’arriver avec la flamme olympique là où je suis née, moi la première championne olympique guadeloupéenne. Il y a eu beaucoup de larmes, de joie et d’émotion.
GALA : Tu es très discrète sur ta famille et sur ton compagnon, Sébastien Foucras , le père de ton fils, qui a remporté une médaille d’argent en ski acrobatique aux Jeux de Nagano, en 1998. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
M.-J. P. : Il est venu m’interviewer aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004 pour une radio musicale. Je me souviens qu’il n’était pas très concentré sur ses questions et moi, pas plus sur mes réponses. Si bien que cet entretien n’a jamais été diffusé ! Un signe, non ? Il m’a ensuite invitée aux Etoiles du sport, un événement qu’il organise et qui réunit des champions et des espoirs du sport français. On a d’abord entretenu une belle relation d’amitié, avant qu’elle se transforme en amour. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, tout va bien entre nous !
GALA : Avec des parents comme vous deux, Nolan, votre fils de 14 ans, est-il sportif ?
M.-J. P. : Non ! Il est très différent de nous, il n’aime pas trop la compétition, il joue un peu au tennis, il s’est essayé aussi au triathlon mais c’est plutôt un cérébral qui aime Pierre Desproges. C’est un adolescent très à l’aise avec les adultes, il lit beaucoup ; en CE2, il avait déjà dévoré tous les Harry Potter. Il rêve de devenir journaliste et d’ailleurs, le mercredi, il écrit déjà des articles pour le journal de son école.
GALA : Tu vis à Paris mais tu aimes aussi fuir l’agitation…
M.-J. P. : Oui, on va souvent en Corrèze, à quarante minutes de Sarlat. Nous avons choisi de nous installer dans un hameau perdu, presque abandonné, où nous continuons à restaurer notre maison. Je me vide la tête loin de tout. J’adore me retrouver en pleine campagne, à faire du jardinage notamment.
GALA : Revenons aux Jeux olympiques de Paris ! Côté français, qui peut devenir la star de ces prochains jours ?
M.-J. P. : Sans hésiter, Léon Marchand, le nageur. Il a tout pour réussir des Jeux incroyables. Il a le talent, le mental, la confiance, l’aisance et l’intelligence. Lorsque je le vois évoluer, et que je l’écoute, lui qui s’entraîne aux Etats-Unis, je retrouve tout ce que j‘étais allée chercher à mon époque à Los Angeles chez les champions américains. Il affiche ses ambitions dans un style très décontracté, à l’américaine. Je suis impatiente de le voir nager. Je pense qu’il va remporter plusieurs titres. Et évidemment, j’attends aussi Teddy Riner, qui pourrait davantage encore entrer dans la légende avec un troisième titre olympique. Un autre Guadeloupéen avec trois titres suprêmes, on serait bien tous les deux !
GALA : Pourquoi es-tu devenue cette année ambassadrice Omega ?
M.-J. P. : C’est une histoire étonnante, puisque je ne portais pas de montre jusqu’à il y a peu de temps. Encore un complexe. Je trouvais que j’avais de trop petits poignets, des poignets d’enfant. Enfin ça, c’était avant ! J’arrive désormais à m’accepter comme je suis et je découvre le plaisir de mettre une jolie montre. Ma rencontre avec Omega est symbolique car c’est le partenaire historique des Jeux, qui m’a chronométrée sur mes trois titres olympiques.
Cet article était à retrouver dans le Gala N°1624, disponible le 25 juillet dernier dans les kiosques. Pour suivre l'actualité en direct, vous pouvez rejoindre le fil WhatsApp de Gala. Le nouveau numéro de Gala est sorti ce jeudi 1er août 2024. Bonne lecture.
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