PORTRAIT - Françoise Dumas : la femme de l’ombre du bal de la rose
Elle se définit comme une « maîtresse de maison par procuration ». Le 29 mars, elle organise son trentième bal sur le Rocher. Pour nous, la reine des dîners mondains feuillette ses souvenirs et son album photo.
À propos de
Le sens du détail. Françoise Dumas le possède. Chez elle, c’est un talent. Elle a l’œil aiguisé, celui des peintres sensibles aux couleurs, aux harmonies, un imaginaire foisonnant et un goût pour la mise en scène. Elle se définit comme une « maîtresse de maison par procuration ». À tort. Elle est bien plus que ça. C’est une créatrice d’émotions, une artiste, même si elle réfute le terme. À sa manière, elle écrit des histoires. Son métier ? Organiser des bals, des dîners, des soirées. Elle est une femme de l’ombre, dont le grand public ne connaît ni le visage ni le nom. Pourtant, Françoise Dumas dispose du plus beau carnet d’adresses de France. Elle parle aussi bien aux têtes couronnées qu’aux chefs d’Etat, aux actrices qu’aux dirigeants d’entreprise. Elle est deve- nue incontournable dans la maîtrise de l’art de vivre à la française. Une référence. Elle a ainsi organisé le mariage du prince Albert II, des trois enfants de la princesse Caroline de Hanovre à Monaco. Cette année, le 29 mars, elle supervise son 30e Bal de la Rose, à la salle des Etoiles, au Sporting Monte-Carlo. Elle ne s’en lasse pas. « L’événement lance la saison à Monaco, précise-t-elle. Nous avons beaucoup de personnes qui voulaient réserver des tables. Il y a une liste d’attente impressionnante. »
Depuis un an, en collaboration avec la princesse Caroline de Hanovre et le créateur Christian Louboutin, elle travaille sur cette soirée. De réunion en réunion, ils imaginent chacun des tableaux. « C’est à la fois intense et amusant. On échange, on partage nos envies, on trouve le thème. Cette année, ce sera le Sunset Ball. » À quelques jours de cette soirée son équipe s’active autour d’elle. Les cartons d’invitation sont postés, les plans de tables supervisés, le choix des fleurs, des nappes, de la vaisselle effectuée... Elle supervise tout. Le programme des prochaines festivités est en permanence affiché sur un mur et s’étale souvent sur deux ans...
Quand elle se raconte dans les locaux de son agence Françoise Dumas, Anne Roustang & Associés, une petite maison aux murs blancs nichée dans une impasse du 17e arrondissement parisien – « elle appartenait à mes parents, j’y ai grandi et désormais j’y travaille », nous confie-t-elle –, la reine des dîners oscille entre confidences et silences. Elle se souvient de toutes les personnes, connues ou inconnues, qu’elle a croisées. Souvent, elle se replonge dans ses archives, essaie de classer ses photos, des années de cartons d’invitation, et déclasse tout... Un paradoxe chez cette prêtresse de l’organisation. Elle en rit, ne cherche pas à savoir pourquoi. Sa créativité s’inspire sans doute de ce pêle-mêle de souvenirs, de ce tourbillon de rencontres. Son bureau, lui, est décoré de photos encadrées ou pas : en les observant, on traverse des époques, des chapitres de l’histoire française. On y aperçoit Bernadette Chirac – « Je lui rends visite très souvent », nous raconte-t-elle –, Claude Pompidou, Karl Lagerfeld, son si cher ami rencontré à Biarritz « où nous avions tous les deux une maison », la reine Elizabeth II, Lady Di, « l’une des femmes les plus charismatiques que j’aie jamais côtoyées. Elle avait un regard magnétique. Les gens se battaient pour assister à une soirée où elle était présente », la princesse Caroline de Hanovre, Brigitte Bardot, Thierry Le Luron... Jamais elle n’évoque les confessions qu’elle a pu recueillir en plus de cinquante ans de carrière. Le silence est son allié. « On peut me faire confiance. Le prince Rainier aimait cette qualité... » Elle n’en dira pas plus. Au cours de notre conversation, on apprend seulement que la princesse Caroline de Hanovre est « une femme drôle, intelligente, vive, pertinente, qui adore recevoir ».
On remarque que pour décrire ses relations avec les royaux, Françoise Dumas n’emploie jamais le mot amitié, préfère l’adjectif « proche » . D’ailleurs, elle met un point d’honneur à avoir les mêmes prévenances pour les anonymes que pour les gens célèbres. Une qualité. Une finesse d’esprit aussi. Elle choisit ses mots comme elle choisit ses fleurs ou ses assiettes : avec élégance. Quand elle observe le vélo avec lequel nous nous sommes déplacées dans Paris pour venir la voir, elle l’appelle « bicyclette ». Le mot est charmant, on en avait presque oublié l’utilisation... Elle se rappelle que petite fille [elle est née le 2 mars 1939], elle pédalait 5 kilomètres pour rendre visite à ses deux grands-mères dans le Val de Loire. Chaque dimanche, malgré la Seconde Guerre mondiale, elles dressaient ensemble la table du déjeuner avec une nappe blanche brodée, de la belle vaisselle... L’enfance décide, dit-on, elle a dessiné les contours de l’existence de Françoise Dumas. Le Noël de ses 7 ans, elle reçoit deux cadeaux : une dînette avec laquelle elle organise des réceptions et une petite poste remplie de timbres et d’enveloppes à tamponner. Aujourd’hui, elle y voit un signe du destin...

Adolescente, Françoise Dumas se passionne pour les héros cornéliens, Le Rouge et le Noir de Stendhal, le sacre de la reine Elizabeth II. La jeune fille se découvre ambitieuse... Le bac en poche, elle s’inscrit à l’École technique du bâtiment, puis tombe amoureuse d’un architecte allemand. Ils se fiancent, elle le suit à Berlin où il doit reconstruire l’Université libre. Là, elle déchante, déprime même. La ville est grise, triste, coupée par un mur qui noircit l’horizon. Elle se sent prisonnière et dévore les chroniques mondaines de Paris-Presse, y découvre la vie nocturne parisienne. Françoise Dumas se rend vite compte que son avenir rime avec liberté, se promet de ne jamais devenir une femme au foyer. Grâce à une amie de lycée, elle trouve un travail en France et intègre une agence de relations publiques. En 1968, elle s’occupe, entre autres, des Jeux olympiques d’hiver de Grenoble. Y côtoie Johnny Hallyday, Dalida... Puis au milieu des années 1970, elle rejoint l’équipe de Georges Cravenne, grand nom des événements. Elle y apprend les rudiments du métier et adopte sa philosophie : ne jamais se prendre pour une invitée. Lors de ses soirées, les rencontres entre puissants se font, et avec elles, la petite et la grande histoire Françoise Dumas, en est la maîtresse de cérémonie, et reste dans l’ombre. Tout un art.
Cet article était à retrouver dans le Gala N°1659, disponible le 27 mars dernier dans les kiosques. Pour suivre l’actualité en direct, vous pouvez rejoindre le fil WhatsApp de Gala . Le nouveau numéro de Gala est en kiosque dès ce jeudi 3 avril 2025. Bonne lecture.