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INTERVIEW - Mehdi Kerkouche, sans filtre sur son hypersensibilité : “Je mets mes émotions en mouvement”

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Patrick Swirc
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Dans ses chorégraphies, tous les corps, d’âges et de tempéraments différents, se passent le relais, échangent des gestes et confrontent leurs impulsions. Une exploration du sentiment grâce à la danse.

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À propos de

Artiste pluri-disciplinaire, c’est en tant que chorégraphe et metteur en scène que Mehdi Kerkouche travaille sur de nombreuses émissions de télévision en France et en Europe. Du cinéma aux défilés, en passant par la publicité, il coach les artistes de tous horizons et gère les mises en scène de grands évènements culturels. Dans le Spécial Beauté du nouveau numéro de Gala, paru en kiosque jeudi 3 avril, il s’est livré en toute transparence sur son hypersensibilité, qui n’est pas toujours évidente à gérer pour l’artiste qu’il est.

GALA : Êtes-vous sensible, voire hypersensible… ?

MEHDI KERKOUCHE : Je pense que je le suis depuis tout petit. J’étais un enfant extrêmement sensible, très renfermé, et à la fois plein d’énergie et très turbulent. Ado, j’étais en colère contre le monde entier, complexé, je me suis donc constitué une carapace. Je débordais tellement d’émotions que j’ai dû apprendre à me protéger. Le temps passant, je les gère mieux en société. Mais je suis un idéaliste invétéré, perfectionniste, bref, que des défauts-qualités attribués aux hypersensibles !

GALA : On dit que les hypersensibles s’épanouissent dans les domaines artistiques…

M. K. : Je suis d’accord à 100 % ! Comme nous sommes à l’écoute de nos émotions, et de celles des autres, ça déclenche forcément une forme artistique chez nous, quelle qu’elle soit. On est plus réceptifs à une performance, une photo, un texte.

GALA : La danse, une évidence pour vous ?

M. K. : D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été en mouvement. Dans notre minuscule appartement, je mettais de la musique tous les jours et faisais inlassablement des glissades, des galipettes, des sauts. Adolescent, je me suis inscrit à des cours de danse moderne. L’évidence, c’était que je voulais devenir danseur professionnel.

GALA : Quelle sensibilité faut-il avoir pour être danseur ?

M. K. : Être attentif à soi et aux autres. La particularité d’un danseur c’est la confiance en soi. Si j’étais ministre de l’Éducation, je mettrais tout le monde à la danse ! En dansant, on prend conscience de notre corps, de l’espace, on apprend à se respecter et à respecter les autres.

GALA : En tant que chorégraphe, que cherchez-vous chez les danseurs ?

M. K. : Une énergie, une délicatesse intérieure, qui résonne avec ma sensibilité. J’ai besoin qu’ils soient talentueux et gentils en même temps. Mais depuis un moment, j’accompagne aussi des gens qui ne savent pas danser, qui sont mal à l’aise devant la caméra, des mannequins, des acteurs, des chanteurs… je fais de la direction de mouvement sur des séances photo. Je leur apprends à appréhender l’espace, à prendre conscience de leur image et de leur corps.

GALA : On parle d’art-thérapie, justement…

M. K. : C’est juste. La danse permet de se défouler, de lâcher prise, de relâcher les tensions du plexus. Par exemple, je suis allé enseigner la danse dans des maisons d’arrêt. Au début, les gars étaient fermés, durs comme des briques. Deux heures plus tard, ils étaient souriants, souples, fluides. La danse, comme l’art en général, est capable de guérir de nombreux maux…

GALA : Comment se protège-t-on quand on est hypersensible 

M. K. : Mon réflexe est de dégainer une petite blague. En règle générale, l’humour est mon arme de défense favorite. Ensuite, je n’en ai peut-être pas l’air, mais j’ai un abord difficile, je me caparaçonne tellement que je peux paraître très sec, dur. Quand je me sens débordé par les émotions, je coupe court de manière brutale à toute conversation, c’est sans appel. Pourtant, comme tout hypersensible, et malgré tous les bienfaits de la danse que je vous ai vantés, je manque d’assurance et me sens toujours aussi peu légitime, voire coupable…

GALA : Vos parents vous ont-ils transmis leur(s) sensibilité(s) ?

M. K. : Carrément ! Je suis convaincu que l’hypersensibilité est héréditaire. Sauf que dans mon cas, avec des parents extrêmement pudiques, qui ne laissaient rien transparaître, il n’y avait pas de place pour les états d’âme. Surtout, d’origine très modeste, ils avaient d’autres priorités que de se laisser aller à la sensiblerie devant leurs enfants : ils devaient travailler dur pour payer le loyer et s’occuper de sa famille. Pourtant, nous sommes tous hypersensibles dans la famille.

GALA : Les adultes hypersensibles ont souvent un besoin important d’équilibre et de prendre soin d’eux dans leur vie… C’est votre cas ?

M. K. : Dans ma culture, prendre soin de soi n’était pas un sujet. J’ai découvert sur le tard les plaisirs et les bienfaits d’un soin de beauté ou d’un massage. Depuis, j’en use et en abuse, et surtout je pousse ma mère à prendre soin d’elle, à se reposer, je lui offre des moments bien- être le plus souvent possible. Elle a toujours été dévouée à ses enfants. La voir heureuse me rend heureux… et contribue à mon équilibre.

GALA : …ils ont aussi tendance à réagir de manière plus intense au stress ?

M. K. : Surtout en période de création de spectacle comme actuellement ! Quand je crée, mais ça doit être le cas de tous les artistes, je rentre dans ma coquille d’introspection. C’est très intime, je dois transmettre de petits morceaux de moi à mes danseurs, mes pensées, mes émotions, et les mettre en mouvement. Je me mets une pression monumentale et je suis dans un état de stress phénoménal.

GALA : …ils ressentent souvent le besoin de se retirer…

M. K. : C’est mon cas aussi ! Je viens de passer trois semaines seules en Patagonie avec mon sac à dos. Et au quotidien, comme je vois du monde toute la journée, que je suis surstimulé et empli de nervosité, quand je rentre chez moi le soir, je ne supporte aucun bruit, ni musique, ni télé. Vous ne m’imaginiez pas comme ça ?

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